Damnés suisses… suite et fin !
Finalement, les suisses, je les haîîîs pas tant que ça !
Pourquoi ? Parce qu’après en avoir capturés et déportés cinq en trois jours, devinez ce qu’il y avait dans la cage à bibittes ce matin ?
Un sixième suisse ? NON ! Une mouffette, ‘stie !
Et pendant que Sabrina et moi, on constate – de loin – qu’il s’agit effectivement d’une mouffette, un suisse passe à côté de la cage et se sauve en courant, déçu de s’être fait gober son beurre de peanut par une vulgaire « belle puante », comme on disait quand j’étais jeune !
Nous voilà pris avec une mouffette ! Et laissez-moi vous dire qu’un suisse pis une mouffette, c’est pas du tout la même affaire ! C’est comme comparer Justin Trudeau à Kim Jung Un ! Les deux sont là grâce à leur papa mais il y en a un qui est pas mal plus dangereux que l’autre !
Les suisses que j’ai déportés au cimetière, eux-autres, ils se recroquevillaient au fond de la cage et demeuraient ben tranquilles jusqu’au moment de leur libération. Il fallait presque les aider à sortir. Ils gambadaient ensuite nonchalamment jusqu’à l’orée de la forêt, avant de disparaître. C’est tout juste s’ils ne me disaient pas « Au revoir et merci pour la ride ! ». De vrais gentlemen !
Mais la mouffette, elle, c’est une autre histoire !
1. Elle était pas contente, la madame, de s’être fait pogner comme… un vulgaire suisse ! J’vous dis que la cage, elle s’est fait brasser en simonac ! Tellement, que l’intérieur ressemblait aux pièces que le gros Hugo Girard démolit avant de les rénover, dans son émission « Les rénos d’Hugo » !
2. Tout l’monde sait qu’une mouffette, c’est le nom scientifique pour désigner une bête puante ! Ben, une bête puante, tu manoeuvres pas ça comme un simple suisse ! Parce que c’est « armé », cette bibitte-là ! Et ça dégaine aussi vite que Clint Eastwood dans « Le bon, la brute et le truand » ! Pis moi, un bain au jus de tomate, ça ne m’émoustillait pas particulièrement !
Donc, pas question de mettre ça dans mon char ! Pas question non plus de prendre la cage dans mes bras et de l’emmener dans l’bois derrière chez-moi pour ouvrir la p’tite porte et faire sortir la madame ! Oh que non ! D’ailleurs, je songe sérieusement à la laisser poireauter dans la cage… jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ça m’apparaît comme la solution la plus logique… et écologique !
Mais mon épouse me ramène vite à la réalité. Au bord du désespoir, Sabrina m’apostrophe :
– Une bête puante, ‘stie ! On est pognés avec une bête puante !!! Qu’est-ce que TU vas faire avec ça ???
– Premièrement, je vais déjeuner. J’ai faim ! Pis à part de ça, comment ça, qu’est-ce que JE vais faire ? TOI, tu vas faire quoi ? Je te rappelle que c’est TOI qui s’est plaint qu’il y avait des trous dans la pelouse et TU as insisté pour qu’on installe un piège !
– Ah ouin ! Môôônsieur a faim ! Môôônsieur ne pense qu’à manger ! Ben oui ! Toi, des trous dans ta pelouse, ça te passe dix pieds par-dessus la tête !
– Des trous, des trous ! L’ex-maire Coderre en a fait pendant quatre ans à Montréal, des trous ! Pis personne veut le déporter pour ça !!!
– Non, mais il a pris une méchante « débarque » aux dernières élections ! Bon OK ! J’vais m’en occuper, encore une fois ! J’vais aller voir mon ami Jean-Noël, LUI, il va le régler, TON problème ! LUI, c’est un vrai homme…
– Pardon ?
– Un vrai homme… des bois, j’veux dire ! Jean-Noël, c’est un ancien bûcheron. Les bibittes, il a pas peur de ça, LUI !
– Bonne idée, chérie !
C’est vrai que Jean-Noël, un vieil ami à nous depuis des décennies, c’est vraiment l’homme… de la situation ! C’est d’ailleurs lui qui nous a fourni la cage à bibittes. C’est un habitué des bestioles en tous genres. Et généreux comme ça s’peut pas ! « Un coeur su’deux pattes » comme on dit !
Pendant que je déjeune et que je prie le p’tit Jésus pour que Jean-Noël soit chez lui, Sabrina est partie, rien que sur deux roues. Quelques minutes plus tard, elle revient, suivie de notre sauveur.
– Ousskalé ? Demande Jean-Noël, utilisant un mot typiquement abitibien qu’on pourrait traduire par : « Mais où est-elle donc, cette fichue mouffette qui vous embête tant, par cette belle matinée ensoleillée ? »
– Drettsitte ! (« Elle est directement ici, la sacr&?%$ de bête puante !) ». Qu’on lui répond en lui indiquant le lieu du drame.
S’emparant d’une vieille couverture qu’on avait dans le garage – et qu’on lui a offerte avec plaisir ! – il s’avance calmement vers la cage.
– Ah ! ‘Est tout p’tite ! Qu’il dit, en contemplant la bête puante qui semble s’être assoupie, probablement exténuée à la suite de sa crise électrique.
Après avoir étendu la couverture sur la cage, ce qui provoque quelques mouvements inquiétants à l’intérieur de celle-ci, Jean-Noël se tourne vers nous et nous dit :
– Bon, ben c’est ça. Y’a rien là ! Je vais l’emmener dans le rang dix…
– Hein ?!? Tu vas mettre ça dans ta vanette ???
– Ben oui ! J’irai pas là à pieds, certain !
– Mais… qu’est-ce que tu vas faire si… si elle… pisse ?
– A pissera pas. J’vas y dire de pas faire ça, c’est pas beau ! Qu’il me répond, en riant. Et il ajoute :
– Mais j’vais quand même laisser le panneau arrière de ma vanette « ouvert », question d’aération, au cas où…
Pis là, il saisit la cage – et la couverture qui la recouvre – et dépose tout bonnement le précieux colis à l’arrière de son véhicule, comme s’il s’agissait d’une simple boîte d’épicerie.
Sabrina me chuchote :
– Au moins, vas-y avec lui !
– Eeuuuhhh…
– Et qu’té moumoune !!! J’vas y aller, moi, d’abord ! Qu’elle dit, suffisamment fort pour que Jean-Noël entende, en montant dans la vanette.
Brave femme, quand même ! Vingt minutes plus tard, Sabrina est de retour avec Jean-Noël, la cage, la couverture, pis avec… pas de mouffette ! Ouf ! Tout s’est bien passé. Une fois rendu dans le rang dix, il a ouvert la porte de la cage et la bibitte, revenue à de meilleurs sentiments, en est sortie et a regagné son habitat naturel sans plus de cérémonie.
Évidemment, je remercie chaleureusement Jean-Noël… d’avoir possiblement sauvé mon mariage ! Après son départ, je dis à Sabrina :
– Bon ! Une autre affaire de réglée !
Hiichh ! Si les yeux de ma chérie avaient été des pistolets, je serais rendu au même endroit où j’ai déporté mes suisses : au cimetière ! Chose sûre, je serais pas ici pour vous raconter cette histoire !!!
Tant qu’à être dans l’trouble, j’en rajoute :
– Pis j’pense que, des trous dans la pelouse, on est capables de vivre avec ça, n’est-ce pas ? Y’en a qui ont le cancer, d’autres qui passent leur vie en fauteuil roulant, y’en a même qui sont pognés avec Donald Trump ! Pis nous ? On se plaint pourquoi ? « Parce-qu’on-a-des-petits-trous-dans-notre-gazon, ‘stie !!! ». Ça pourrait être pire, non ? Ça donne rien de continuer d’attraper des suisses jusqu’à épuisement des stocks, il y en a tellement qu’on se croirait à une Convention régionale de suisses abitibiens… d’autant plus qu’il n’y a pas seulement des suisses par ici, hein chérie ?
– À moins qu’il n’y en ait qu’un seul et que ce soit toujours le même suisse qui revient du cimetière ?!? Avec toi, ça ne me surprendrait pas ! Qu’elle me répond, mi-figue mi-raisin. (Tu parles d’une expression ! « Mi-figue, mi-raisin » est une locution adjective qui exprime un mélange de satisfaction et de mécontentement. Moi, je pense qu’elle est pas « mi-figue, mi-raisin » pantoute, elle est tout simplement… en tab&?%$ !!!).
– Ben laisse-moi te dire que si c’est toujours le même suisse qui revient, il est « épais-rare » parce qu’il s’est fait attirer cinq fois dans la cage par un peu de bouffe, que je réplique !
– Tu sais, chéri, il y en a pour qui, la bouffe, ça passe avant tout, tu comprends ? Ça veut pas nécessairement dire qu’ils sont « épais-ra…
– OK ! OK ! J’comprends ! Parlant de bouffe, va donc prendre un bon déjeuner, en ville, chérie, tu l’as bien mérité, que j’ajoute avant qu’il ne soit trop tard. Moi, je vais… passer la balayeuse, tiens !
– Ouin. Fais-donc ça !
Qu’est-ce qu’un homme ne ferait pas pour son épouse, je vous l’demande !?!